Contexte et objectifs
La situation de migration forcée des personnes arrivant en Europe, souvent de manière dangereuse et risquée, n’est pas un phénomène nouveau. La recherche de la sécurité, face aux persécutions et aux conflits, ou la recherche de la sécurité économique, a conduit de nombreuses personnes à décider de s’installer en Europe.
Les demandeurs d’asile présentent très souvent des effets psychologiques et psychosociaux graves dus aux événements et aux conditions qui prévalent dans leur lieu d’origine et au processus de migration et d’adaptation. L’impact est plus important pour les enfants et les mineurs non accompagnés qui doivent faire face à une situation qui n’est pas adaptée à leur stade de développement et parce qu’ils se trouvent dans une période d’évolution déterminante pour le développement de leur identité et de leur personnalité.
Diverses études ainsi que notre propre expérience et celle de nos partenaires montrent que les demandeurs d’asile ont besoin de travailler sur la régulation émotionnelle et les stratégies d’adaptation pour s’adapter à un processus migratoire en gardant à l’esprit toutes les pertes auxquelles ils doivent faire face et qu’ils ont besoin de créer un réseau de soutien social.
Impact
Notre programme mené en collaboration avec Fedasil et la Croix-Rouge a bénéficié à de nombreux demandeurs d’asile depuis le tout début, dont certains venaient d’Ukraine, tout comme notre programme en Espagne.
L’une des art-thérapeutes du site Red Pencil, qui a donné des séances d’art-thérapie en groupe à de jeunes hommes, principalement afghans, raconte son expérience :
« Après avoir recueilli quelques informations sur le groupe, j’ai appelé ce cycle « Un lieu pour être ensemble ». Il s’est avéré que ce nom était très précis et qu’il reflétait bien le sentiment de confiance et d’appartenance au groupe.
En tant que thérapeute en arts expressifs spécialisée dans les soins tenant compte des traumatismes et de la culture, je travaille fréquemment avec des personnes de diverses nationalités et cultures. Cependant, il s’agissait de ma première expérience thérapeutique avec un groupe de jeunes hommes. Avant le projet, il m’était quelque peu difficile d’imaginer comment je pourrais potentiellement entrer en contact avec ce groupe. À ma grande surprise, j’ai eu quelques difficultés initiales à identifier les thèmes et les directives artistiques que nous pouvions explorer ensemble. Néanmoins, mon attitude a été de rester curieux, ouvert et réceptif.
Tous les doutes se sont dissipés dès que je suis entrée dans le groupe et que je me suis naturellement rapprochée des participants. Les arts nous ont progressivement aidés à développer une confiance mutuelle, à trouver d’autres moyens d’expression et de communication sans mots, et à développer une grande curiosité l’un envers l’autre. J’ai très vite compris que la flexibilité et la capacité d’improvisation étaient mes plus grandes ressources dans un contexte donné. Pas à pas et séance après séance, notre relation thérapeutique s’est approfondie. C’était extrêmement touchant et gratifiant. En fin de compte, je décrirais notre « espace d’être ensemble » comme vivant, ouvert, invitant, acceptant, ludique, curieux, sans jugement, flexible, sûr et réconfortant.
En repensant à ce cycle, je dirais qu’il a été très spécial et qu’il a eu un grand impact sur ma perception des jeunes hommes. J’ai été touchée d’entendre les bénéficiaires parler ouvertement de leurs cœurs brisés, alors qu’ils se plongeaient dans le processus de création. Je me suis sentie privilégiée d’accueillir leurs peines, leurs peurs, leurs petites joies et leurs idées ludiques. Ce que j’ai appris d’eux, c’est de me donner (et de donner aux autres) la permission de montrer ma force tout en restant vulnérable. Bien que certains des récits que nous avons explorés au cours du cycle aient été difficiles et douloureux, beaucoup de joie, de spontanéité et de résilience ont également émergé pendant le temps que nous avons passé ensemble. Tous ces moments sont restés gravés dans ma mémoire et ont trouvé une place dans mon cœur. Ils ont également ouvert de nouvelles opportunités pour ma pratique thérapeutique. En particulier, j’ai commencé à travailler avec un certain nombre de nouveaux clients masculins.
En résumé, j’aimerais exprimer ma gratitude à The Red Pencil d’avoir fait confiance à mes compétences thérapeutiques et de m’avoir donné l’occasion d’évoluer en tant qu’art-thérapeute. En même temps, je voudrais souligner que l’art-thérapie a un potentiel énorme pour aider les personnes en mouvement à trouver plus de résilience, de restauration et de paix. A exprimer. Pour profiter de leurs ressources et se sentir à nouveau dignes d’intérêt. Être entendu et vu. Selon moi, le secret des arts réside dans leur capacité à relier des personnes de nationalités et de cultures différentes à un niveau tout simplement humain et propre à chacun d’entre nous. Lorsque nous faisons de l’art, il devient plus facile d’entrer en contact avec les autres, d’abandonner les stéréotypes et les attitudes colonisatrices, de devenir plus réceptifs et de mieux comprendre les choses que nous avons ou que nous n’avons pas. Se plonger dans le processus créatif peut réveiller en nous quelque chose qui me semble intemporel, universel et guérisseur. Notre capacité naturelle à faire de l’art ensemble peut alors se transformer en un précieux cadeau d’appartenance et de connexion. C’est aussi un don de respect, de dignité et d’amour à l’humanité.
En temps de guerre et de crise, l’art peut devenir l’une de nos plus grandes ressources. Je suis honorée de proposer des interventions d’art-thérapie à des organisations qui comprennent que lorsqu’il n’y a plus beaucoup d’espoir, nous pouvons nous tourner vers les arts pour le restaurer et trouver un lieu d’appartenance à travers les images, le mouvement, les récits et le silence ».
Partenaires
Nous remercions la Fondation Roi Baudouin (Fonds Le Compas) pour son soutien constant et nos partenaires, Fedasil et la Croix-Rouge de Belgique, pour leur confiance.